Corpus Hermeticum

3. L’imperceptible est de toute éternité, car il n’a pas besoin de se manifester : il est éternel et fait se manifester toutes choses.

5. Car seul ce qui est créé a une apparence perceptible. Naître, devenir n’est rien d’autre qu’entrer dans le visible.

8. Seule la conscience de l’âme voit l’invisible parce qu’elle est elle-même invisible.

27. Il n’est rien dans l’univers entier qu’il ne soit. Il est aussi bien ce qui est que ce qui n’est pas. Car tout ce qui est, il le manifeste et tout ce qui n’est pas, il le contient en lui.

33. Car tu es tout ce que je puis être, tu es tout ce que je puis faire. Tu es tout ce que je puis dire. Tu es tout et il n’y a rien que toi.

34. Tu es même ce qui n’est pas. Tu es tout ce qui est né, et tout ce qui n’est pas né. Esprit, quand c’est l’âme-esprit qui te contemple ; Père, quand tu donnes forme à l’univers entier ; Dieu, quand tu te révèles force active universelle, le bien, parce que tu as façonné toutes choses.

35. La matière la plus subtile est l’air, l’air le plus subtil est l’âme, l’âme la plus subtile est l’esprit, l’esprit le plus subtil est Dieu.

 

4. En vérité, en premier et au-dessus de tout est Dieu : l’Éternel, le Non-créé, le Créateur de toute chose ; le deuxième Dieu, le Monde, est créé par lui à sa ressemblance, entretenu et nourri par lui, doté d’immortalité puisque ceux qui sont issus du Père éternel possèdent la vie éternelle en tant que créatures immortelles.

5. Il faut bien distinguer la vie éternelle de ce qu’est l’Éternel. En effet, l’Éternel n’est pas issu d’un autre être. Et se serait-il formé, ce serait de lui-même. Il ne s’est jamais formé mais se crée lui-même dans un éternel devenir. Ainsi l’univers est-il éternellement vivant de par l’Éternel, mais le Père est éternel de par lui-même : le monde est donc éternellement vivant et divin grâce au Père.

12. Le troisième être vivant, l’homme, formé à l’image du monde, qui à la différence des autres animaux possède l’intelligence selon la volonté du Père, n’est pas seulement lié par affinité au deuxième Dieu, mais approche aussi en une contemplation intérieure, l’être du premier Dieu : car il perçoit le deuxième Dieu avec les sens comme être corporel, tandis que sa vision intérieure lui fait connaître le premier Dieu comme être incorporel, comme esprit, comme le bien.

13. Tat : Cet être vivant n’est donc pas anéanti ?

14. Hermès : Que tes paroles soient bonheur et joie, mon fils, et comprends ce qu’est Dieu, ce qu’est le monde, ce qu’est un être immortel et ce qu’est un être soumis à la dissolution ; et vois : le monde, né de Dieu ; et Dieu, la source du tout, tient tout enfermé en lui et garde tout en lui.

 

X. Le bien ne se trouve qu’en Dieu et nulle part ailleurs

9. Autour de l’Essence divine rayonne la Beauté qui, en vérité, habite l’être de Dieu en pureté suprême et immaculée. Osons le dire, Asclépios, l’être de Dieu, s’il est permis d’en parler, c’est le Beau et le Bien.

10. Le Beau et le Bien ne se trouvent pas en ceux qui sont dans le monde. Toutes choses perceptibles à l’œil sont des apparences, semblables à des ombres. Mais tout ce qui échappe aux sens approche le mieux l’essence du Beau et du Bien. Et l’œil, de même qu’il n’a pas le pouvoir de voir Dieu, ne voit pas non plus le Beau et le Bien. Le Beau et le Bien sont, en toute perfection, une partie de Dieu, de Lui et de lui seul en propre, inséparables de Son Essence et l’expression du plus haut Amour de Dieu envers Dieu.

11. Si tu peux comprendre Dieu, tu comprendras aussi le Beau et le Bien, dans la suprême splendeur de leur rayonnement, entièrement illuminés par Dieu. Car cette Beauté est incomparable, cette Bonté, inimitable, comme Dieu lui-même. Dans la mesure où tu comprends Dieu, tu comprends aussi le Beau et le Bien. Ils ne peuvent se transmettre à d’autres êtres parce qu’ils sont inséparables de Dieu.

12. Quand tu cherches Dieu, tu cherches également le Beau. Car il n’y a qu’une seule voie qui puisse y revenir : une vie d’action au service de Dieu à la main de la Gnose.

13. De là vient que ceux qui sont sans Gnose et ne suivent pas le Chemin fructueux en Dieu, osent nommer l’homme beau et bon, lui qui n’a jamais vu, même en rêve, ce qu’est le Bien, lui qui est sous l’emprise de toutes espèces de mal, qui prend le mal pour le bien, qui s’empare du mal sans jamais s’en rassasier, craignant qu’on le lui dérobe et luttant de toutes ses forces pour le conserver, et même l’augmenter.

14. Ainsi en est-il, Asclépios, de la bonté et de la beauté humaines. Nous ne pouvons ni les fuir ni les haïr, car le plus dur est qu’elles nous sont nécessaires et que nous ne saurions vivre sans elles.

 

22. Dieu n’est pas, comme certains le pensent, dépourvu de perception et d’intellect. Ceux qui le disent lui font injure par un faux respect. Car toutes les créatures, Asclépios, sont en Dieu ! Elles sont formées par Dieu et dépendent de Lui : qu’elles se manifestent comme corps matériels, qu’elles s’élèvent comme être-âmes, qu’elles soient vivifiées par l’Esprit ou admises dans le domaine des morts, toutes sont en Dieu.

23. Ou plutôt : Dieu ne contient pas en Lui toutes les créatures, Il est Lui-même toutes les créatures ! Il ne Se les adjoint pas de l’extérieur, mais c’est de son Être propre qu’il les procrée et Lui-même qu’il les fait se manifester.

24. Et la perception et le pouvoir de penser de Dieu c’est le mouvement perpétuel de l’Univers ; et jamais il n’arrivera que la moindre chose existante, c’est-à-dire que la plus infime partie de Dieu, ne se perde. Car Dieu contient tout en Lui ; Rien n’est en dehors de Lui, et Il est en tout.

25. Si tu peux concevoir ces choses, Asclépios, tu les reconnaîtras comme vraies ; si tu ne les comprends pas, elles te paraîtront peu dignes de foi. Car comprendre vraiment, c’est posséder la Foi Vivante, tandis que manquer de Foi, c’est manquer de pénétration intérieure. Ce n’est donc pas l’intellect qui atteint la Vérité, mais c’est l’Âme reliée à l’Esprit qui a le pouvoir, une fois guidée dans cette voie par l’intellect, d’avancer en hâte vers la Vérité ; et quand, dans une vision universelle, Elle médite sur l’Univers entier et découvre combien tout est conforme à ce que l’intellect éclairé par la pénétration intérieure lui suggérait, sa Foi s’élève jusqu’à la Connaissance, et dans ce sublime savoir de la foi, Elle trouve son repos.

26. À ceux qui saisissent intérieurement les paroles que j’énonce ici, et qui sont de Dieu, elles seront objets de foi ; mais à ceux qui manquent de compréhension vivante, elles seront objets d’incrédulité.

69. Il n’est rien de plus sublime et de plus actif que son Esprit, rien qui stimule davantage l’union des hommes avec les dieux, et des dieux avec les hommes. Son Esprit est le Bon Démon. Bienheureuse l’âme tout entière emplie de Lui ; misérable l’âme privée de Lui.

70. Tat : Que veux-tu dire par là, Père ?

71. Hermès : penses-tu, mon fils, que toute âme possède l’Esprit du Bien ? Car c’est de cet Esprit que je parle maintenant, et non de l’esprit inférieur cité précédemment, et que la justice divine abaissa.

72. Sans l’Esprit l’âme ne peut ni s’exprimer ni agir. Souvent l’Esprit s’enfuit, alors l’âme ne voit ni n’entend plus rien ; elle est semblable à un animal sans raison, tant est grand le pouvoir virtuel de l’Esprit. Mais l’Esprit ne supporte aucune âme impuissante à comprendre ; il abandonne celle qui est soumise au corps et que le corps prive icibas de sa voix.

73. Une telle âme, mon fils, ne possède aucun lien avec l’Esprit : on ne peut plus la qualifier d’humaine. Car l’homme est un être divin qui ne saurait être comparé à aucune créature vivant sur terre, mais seulement aux créatures supérieures, les créatures célestes qu’on appelle dieux.

74. Ou plus justement, si nous osons exprimer la vérité : l’homme qui est un Homme véritable est au-dessus des dieux, il leur est tout au moins parfaitement semblable en pouvoir.

75. En effet, aucun des dieux célestes ne franchira les limites des cieux pour descendre sur terre. L’homme, cependant, s’élève jusqu’au ciel et embrasse son étendue ; il connaît aussi bien la sublimité des cieux que les choses qui sont en dessous. Il assimile tout avec exactitude, et, par-dessus tout, il n’a pas besoin de quitter la terre pour s’élever dans les cieux. Telle est l’ampleur et l’étendue de ce que sa conscience saisit.

76. C’est pourquoi, osons le dire : l’homme terrestre est un dieu mortel, le dieu céleste est un homme immortel.

77. Et c’est pourquoi : tout se manifeste au moyen de ces deux entités : le Monde et l’homme, mais toutes choses émanent de l’Unique.

 

47. Tat : Dieu est-il dans la matière, père ?

48. Hermès : Si la matière existait en dehors de Dieu, mon fils, quelle place voudrais-tu lui donner ? Car tant qu’elle n’aurait pas été mise en activité, que serait-elle d’autre qu’une masse confuse ? Et si elle doit être mise en activité, par qui le serait-elle ? Car nous avons dit que les forces actives sont les créations de Dieu. De qui tous les êtres vivants reçoivent-ils la vie ? À qui les immortels doivent-ils leur immortalité ? Qui provoque le changement de tous ce qui est changeant ?

49. Que tu parles de la matière, ou du corps, ou du principe des choses, sache que ce sont-là des effets de la Force de Dieu ; l’effet de la force dans la matière forme la matérialité ; l’effet de la force dans les corps forme le corporel ; l’effet de la force dans le principe, détermine l’essence. Tout ceci est dieu, l’Univers. 50. Il n’est rien dans l’Univers qui ne soit Dieu. C’est pourquoi les concepts de grandeur, de lieu, de propriété, de forme ou de temps ne permettent pas de décrire Dieu ; car Dieu est l’Univers et, en tant que tel, il est tout et renferme tout. Adore cette parole, mon fils et vénère-la : il n’y a qu’une seule religion, qu’une seule façon de servir et d’honorer Dieu, c’est de ne pas faire le mal.

 

26. Tat : Ai-je en moi des tortionnaires, Père ?

27. Hermès : Et ils sont en grand nombre, mon fils, un nombre hallucinant !

28. Tat : Je ne les connais pas, Père.

29. Hermès : Cette ignorance elle-même est le premier châtiment, mon fils, le deuxième est le chagrin et la souffrance, le troisième, le manque de mesure, le quatrième, la convoitise, le cinquième, l’injustice, le sixième, l’avarice, le septième, la fausseté, le huitième, la jalousie, le neuvième la ruse, le dixième la colère, le onzième, l’irréflexion, le douzième la méchanceté. Ces châtiments sont au nombre de douze, à la suite desquels s’en trouvent beaucoup d’autres qui, dans la prison du corps, contraignent l’homme, en raison de sa nature, à souffrir de l’activité des sens. Lorsque Dieu a pitié de quelqu’un, ces châtiments diminuent cependant, encore que ce ne soit pas complètement. Et c’est cela qui explique la nature et le sens de la renaissance !

30. Fais maintenant silence, mon fils, écoute avec respect et reconnaissance. La miséricorde divine ne tardera pas à devenir notre partage.

31. Réjouis-toi, mon fils, maintenant les Forces de Dieu te purifient pleinement pour la liaison avec les éléments de la Parole. La Connaissance de Dieu nous parvient et par elle l’ignorance est repoussée. La Gnose de la joie nous parvient et par elle la souffrance fuit. La Force que j’évoque après la Joie est l’Humilité. O Force merveilleuse ! Recevons-la dans l’allégresse, mon fils : vois comme en venant elle chasse le manque de mesure ! En quatrième lieu, je nomme la Maîtrise de soi, la Force qui s’oppose à la convoitise. Et cette étape, mon fils, est le soutien de l’honnêteté : car vois comme sans tarder elle repousse l’injustice. Ainsi nous devenons justes maintenant que l’injustice a disparu. La sixième Force que j’appelle sur nous est celle qui lutte contre l’avarice, à savoir la Bonté, qui se transmet aux autres. Et lorsque la fausseté a disparu, j’évoque encore la Vérité : car la jalousie s’écarte alors de nous et le Bien, accompagné de la Vie et de la Lumière, suit la Vérité ; et aucun châtiment de l’obscurité ne nous affecte plus ; repoussés, en effet, ils fuient à la hâte.

32. À présent, mon fils, tu connais la façon dont s’opère la Renaissance : la venue des dix aspects accomplit la naissance spirituelle et dissipe les douze aspects ; ainsi sommes-nous divinisés par le processus de cette naissance.

 

3. Si toutes les choses qui se manifestent viennent à l’existence, ou y sont venues, non d’elles-mêmes mais par un autre ; et si toutes les choses venues à l’existence sont différentes et dissemblables, et doivent leur naissance à un autre, il existe bien quelqu’un qui soit leur Créateur. Mais ce dernier n’est lui-même pas né ; on dit qu’il était avant tout le créé. Car ce qui est créé naît d’un Autre, comme je l’ai dit, donc rien ne peut être avant que tout ne vienne à l’existence, excepté Cela même qui n’est jamais né : le Créateur.

4. Ce dernier est aussi le plus puissant et Il est l’Unique. Lui seul est véritablement sage en tout puisque rien n’existait avant Lui. Car Il est le Premier, aussi bien dans l’ordre numérique que par la grandeur, par la différence qui existe entre Lui et toutes les créatures, et par la continuité de Sa Création. En outre toutes les créatures sont visibles ; lui seul est invisible. C’est précisément pourquoi Il crée ; pour Se rendre Luimême visible ! C’est ainsi qu’Il crée sans arrêt, et de la sorte Se rend visible.

 

11. Car Dieu n’a qu’un seul attribut : le Bien. Et le Bien universel n’est ni orgueilleux, ni impuissant. Oui, voilà ce qu’est Dieu : le Bien, le Tout Puissant, qui créé l’universalité des choses. La totalité de ce qui est créé vient de Dieu, de Lui Qui est le Bien absolu et a le pouvoir de tout engendrer.

12. Si maintenant tu veux savoir comment Dieu créé et comment le créé vient à l’existence, voici une parabole juste et belle : Pense au laboureur qui sème la semence dans son champ : ici du blé, là de l’orge, ailleurs quelque autres graines. Vois comment il plante ici une vigne, là un pommier, ailleurs encore d’autres espèces d’arbres. De même Dieu sème l’Immortalité dans le ciel, le Changement sur la terre, la Vie et le Mouvement dans l’Univers. Ces aspects de Son activité sont donc restreints. Ils sont en petit nombre et faciles à compter : quatre en tout, plus Dieu Luimême et le créé. Et ces six constituent ensemble l’universalité de ce qui existe.

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