Citations parcourant l’ensemble de l’oeuvre La Philosophie de la Liberté de Rudolf Steiner.
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« L’homme, alors qu’il pense ou qu’il agit, peut-il être considéré comme un être spirituel libre ? Subit-il au contraire les lois inflexibles de la nécessité naturelle ? Plus que tout autre, ce problème a exercé la sagacité des penseurs. La liberté du vouloir humain a été, par les uns, passionnément défendue, par les autres, obstinément contestée. Certaines personnes, choquées dans leurs plus chères convictions morales, estiment qu’il faut être d’esprit borné pour mettre en doute cette liberté qui, d’après eux, se manifeste avec toute la force de l’évidence. Certains, au contraire, trouvent suprêmement anti-scientifique de supposer en faveur des actes humains une discontinuité de l’enchaînement naturel des effets et des causes. La liberté semble donc, aux premiers, le plus noble privilège de l’homme, — aux seconds, sa plus vaine illusion. Pour expliquer que l’acte libre de l’homme puisse s’insérer dans l’ordre de la nature, à laquelle l’homme lui-même appartient, les philosophes du libre-arbitre ont inventé des subtilités infinies. Leurs adversaires, avec non moins de peine, ont montré comment l’idée illusoire de la liberté avait pu germer dans la conscience humaine. Il faudrait être bien dénué de réflexion pour ne pas se rendre compte que cette question philosophique est le pivot même de toutes nos conceptions morales, religieuses, scientifiques, bref, de toute notre existence. » – Rudolf Steiner
La volonté humaine n’est pas libre, en ce sens que sa direction est toujours déterminée par le motif le plus fort.
Si je suis obligé de vouloir quelque chose, il peut m’être extrêmement indifférent de le pouvoir aussi réaliser.
Hegel a dit : « C’est seulement avec la Pensée que l’âme, (dont les animaux sont doués comme les hommes), s’élève au rang d’esprit ». Rien de plus juste, et c’est également la Pensée qui donne à l’action humaine son caractère propre.
« Nous vivons en elle et lui sommes étrangers. Elle nous parle sans cesse et ne nous révèle pas son secret. » – Hegel
Mais Goethe connaît aussi l’envers de cette pensée :
« Les hommes sont tous en elle et elle est en tous. » – Goethe
Lorsque nous aurons connu la Nature en nous-mêmes il nous sera facile de la retrouver à l’extérieur.
Ce qui, dans notre être intime, lui est semblable, nous servira de guide.
Dire d’un objet : « ceci est une rose », ce n’est rien déclarer qui me concerne.
Mais dire du même objet : « ceci me cause de la joie », c’est me caractériser moi-même dans mon rapport avec la rose.
La personnalité pensante oublie la pensée pendant le temps qu’elle l’exerce.
L’objet de sa pensée l’occupe, mais non sa pensée elle-même
La première observation que nous puissions faire sur la pensée, c’est celle-ci : elle est l’élément inobservé de notre vie spirituelle ordinaire.
Pourquoi demeure-t-elle généralement inobservée ?
Parce qu’elle est issue de notre propre activité.
Les choses que je n’engendre pas moi-même se dressent en face de moi d’une manière objective.
Je me perçois dans mon opposition avec ces choses qui sont survenues sans mon aide. Elles viennent à ma rencontre. Il me faut les prendre comme conditions premières de mon processus pensant.
Tant que je m’occupe d’elles, elles accaparent mon regard.
Tant que j’exerce sur elles ma faculté pensante, mon attention se fixe, non point sur cette faculté en exercice, mais sur elles qui lui fournissent un objet.
En d’autres termes : pendant que je pense, je ne vois pas ma pensée que j’engendre, mais je vois les objets de ma pensée, que je n’engendre pas.
La pensée est au-delà du sujet et de l’objet.
Elle forme ces deux concepts comme elle forme tous les autres.
Donc, lorsqu’en notre qualité de sujet pensant, nous rapportons un concept à un objet, nous n’avons pas le droit de croire que ce rapport est seulement subjectif.
Ce n’est pas le sujet qui établit ce rapport, c’est la pensée.
Si le sujet pense, ce n’est pas pour la raison qu’il est un sujet ; au contraire, c’est parce qu’il est capable de penser qu’il peut s’apparaître sous l’aspect d’un sujet.
Par conséquent, l’activité que l’homme exerce en qualité d’être pensant n’est pas une activité seulement subjective ; elle n’est à vrai dire ni subjective ni objective elle plane au-dessus de ces deux concepts.
Je n’ai aucunement le droit de dire que mon sujet individuel pense, mais bien plutôt qu’il existe grâce à la pensée.
Celle-ci est, pour ainsi dire, un élément qui m’entraîne au-delà de mon moi et qui me relie aux objets.
Et elle m’a séparé d’eux du même coup, en m’opposant à eux sous l’aspect de sujet.
C’est là-dessus que se fonde la double nature de l’homme :
Par la pensée il s’embrasse lui-même ainsi que tout l’univers.
Mais, en même temps, l’acte de penser le détermine lui-même en face de cet univers, dans son rôle d’individu
L’image qui s’offre à un instant quelconque n’est qu’une découpure, faite au hasard, dans un objet qui est en perpétuel devenir
Mon auto-perception m’enferme dans certaines limites ; ma pensée ignore ces limites. En ce sens, je suis un être double. Je suis enfermé dans ces limites que je perçois comme étant celles de ma personnalité ; mais je suis porteur d’une activité qui, du haut d’une sphère supérieure, détermine mon existence.
Notre pensée n’est pas individuelle comme notre sensibilité. Elle est universelle.
Si elle acquiert un caractère individuel en chacun de nous, c’est seulement parce que nous la rapportons à notre sensibilité.
Les hommes se distinguent les uns des autres par les nuances particulières dont ils revêtent l’essence universelle de la pensée.
La pensée est l’élément par lequel nos individualités multiples se réunissent au cosmos, pour former un tout. Tant que nous avons des sensations, des sentiments, et des perceptions, nous sommes isolés ; mais lorsque nous pensons, nous sommes l’être unique et indivisible qui pénètre tout.
L’acte de connaissance est la synthèse de la perception et du concept.
Perception et concept, à eux deux, forment la totalité de l’objet.
Ce contenu concret, la pensée l’apporte à la rencontre de la perception ; elle le puise au monde des concepts et des idées.
Contrairement au contenu perceptif qui nous est donné du dehors, le contenu idéel apparaît en nous.
Nous appellerons intuition la forme sous laquelle il apparaît de prime abord.
L’intuition est à la pensée ce que l’observation est à la perception.
Intuition et observation sont les sources de notre connaissance.
Nous restons étrangers aux choses que nous observons, tant que nous n’avons pas en nous l’intuition qui leur correspond, et qui complète la réalité dont la perception ne donne qu’une partie.
L’homme qui n’a pas le don de trouver, pour chaque chose, l’intuition correspondante, ne peut accéder à la pleine réalité.
De même que l’individu atteint de daltonisme ne voit que des nuances de clair et d’obscur, sans aucune qualité colorée, de même l’individu privé de faculté intuitive n’a que des fragments de perception, qui demeurent sans relation les uns avec les autres.
Expliquer une chose, la rendre compréhensible, cela veut dire qu’on la replace dans l’ensemble de rapports dont elle avait été arrachée par la conformation spécifique de notre être, définie ci-dessus.
Il n’existe aucune chose qui soit séparée du tout.
La séparation des choses n’a qu’une valeur subjective, elle n’existe qu’au sein de notre organisation.
Pour nous, le tout se divise en : haut et bas, avant et après, cause et effet, objet et représentation, matière et force, objet et sujet,etc…
Ce qui, de la sorte, apparaît séparément à notre observation, se relie ensuite membre à membre grâce au monde indivisible de l’intuition ;
La pensée nous permet de refondre en un tout ce que la perception avait séparé.
Le caractère énigmatique des objets tient à leur isolement.
Or, cet isolement est provoqué par nous, et il peut prendre fin grâce à nous.
Lorsque nous saurons ce que nous pouvons saisir de l’univers, il nous sera facile d’en déduire notre conduite.
On ne peut agir de toutes ses forces que lorsque l’on connaît l’objet auquel on consacre son activité.
Il faut que l’on arrive à comprendre comment on réfute soi-même le résultat de ses premières réflexions
Notre vie est une oscillation perpétuelle entre la participation au devenir cosmique et à notre être individuel.
Plus nous nous élevons dans le domaine général de la pensée, où l’individuel finit par ne plus être qu’un certain exemple du concept, plus se perd en nous le caractère personnel.
Au contraire, plus nous nous enfonçons dans les profondeurs de nous-même, plus nous laissons résonner à chaque expérience l’écho de nos sentiments, plus nous nous isolons de l’être universel.
La véritable individualité est celle qui transpose ses sentiments dans le domaine de l’idéel.
Chez l’homme capable de se réaliser pleinement, la connaissance des choses va de pair avec le développement et l’affinement de la vie sentimentale.
C’est par le sentiment que les concepts commencent à s’animer d’une vie concrète.
Une multiplication ou une altération des organes sensoriels de l’homme fournirait une autre image de perception, un enrichissement ou une transformation de l’expérience humaine.
Mais la connaissance véritable ne pourrait toujours être, en regard de cette expérience, que dans les actions et réactions de la perception et du concept.
Le progrès de la connaissance en profondeur dépend des forces de l’intuition qui se manifestent dans la pensée.
Cette intuition, au cours de l’expérience qu’elle réalise dans l’acte pensant, peut descendre plus ou moins profondément dans le substratum de la réalité.
L’élargissement des images perçues peut favoriser et stimuler ce progrès en profondeur.
Mais il ne faut jamais confondre ce progrès en profondeur, qui est la vraie connaissance de la réalité, avec l’ampleur plus ou moins grande de notre champ de perception, qui,d’après l’organisation de notre connaissance, ne peut jamais nous donner qu’une demi-réalité.
Dans l’observation de la pensée, les deux termes dont l’apparition était jusqu’alors forcément séparée (concept et perception) se trouvent réunis en un seul.
Tant que l’on méconnaît cette vérité, on pourra imaginer que les concepts sont les reflets inconsistants des perceptions, et les perceptions sembleront être la seule réalité.
C’est alors qu’on se met à construire des univers métaphysiques calqués sur le monde de ses propres perceptions : monde des atomes, de la volonté,de l’esprit… chacun les voit à sa manière.
Mais dès que l’on a saisi ce que la pensée offre de tout différent, on comprend que la perception est la moitié seulement de la réalité, et que l’autre moitié (la pénétration de la perception par la pensée, processus vécu par l’homme) lui est indispensable pour constituer une réalité totale.
L’essence qui se manifeste dans notre conscience sous la forme de pensée n’apparaît plus alors comme un reflet fugace des choses, mais comme une réalité spirituelle reposant absolument sur elle-même. Et, de cette réalité, l’on peut dire qu’elle se fait connaître à l’homme par une intuition.
L’intuition consiste à vivre consciemment dans un monde purement spirituel
De quoi nos « aptitudes caractéristiques » sont-elles formées ?
Du contenu plus ou moins fixe de notre vie subjective, de la somme de nos représentations et de nos sentiments.
Une représentation m’incite plus ou moins au vouloir, selon qu’elle se comporte de telle ou telle façon vis-à-vis de mes autres représentations et de mes sentiments personnels.
Or, la somme de mes représentations est conditionnée par la somme de concepts qui, le long de ma vie, se sont adjoints à mes perceptions, c’est-à-dire sont devenus des représentations.
Elle dépend donc de ma faculté d’intuition, qui est plus ou moins grande, et de mon champ d’observation ; autrement dit, du facteur subjectif et du facteur objectif de mon expérience : facultés intérieures et milieu.
Quant aux sentiments, ils déterminent nettement mes « aptitudes caractéristiques ». Selon qu’une représentation me cause de la joie ou de la peine, elle peut devenir, ou non, motif de mon vouloir.
Tels sont les éléments qui entrent dans la genèse de l’acte volontaire.
La représentation immédiatement présente, ou le concept, en devenant motifs, fournissent le but, la fin de mon vouloir.
Mon « idiosyncrasie » m’invite à orienter mon activité vers cette fin. [Cousin de l’Egostasie ^^]
Par exemple la représentation d’une promenade à faire pendant la demi-heure qui vient détermine le but de mon action, mais elle ne devient un motif de vouloir que si elle rencontre en moi une idiosyncrasie appropriée, c’est-à-dire si toute ma vie précédente m’a amené à reconnaître l’utilité des promenades, la valeur de la santé et, enfin, si la représentation de promenade éveille en moi un sentiment de joie.
Nous avons par conséquent à distinguer :
1° Mobiles : les « aptitudes caractéristiques » possibles, qui permettent à tels concepts ou à telles perceptions de devenir des motifs ;
2° Fins : les concepts et les représentations possibles, capables d’influencer mes dispositions de caractère jusqu’à amener un vouloir.
Les premières conditions sont les mobiles, et les secondes, les fins de notre conduite morale.
C’est seulement lorsqu’on agit par amour pour l’objet de l’action, que l’on peut dire : j’agis moi-même.
Ce n’est plus parce qu’on reconnaît tel ou tel maître, telle autorité extérieure, ou telle voix soi-disant intérieure.
L’action n’a plus aucun principe au dehors ; parce qu’on a trouvé en soi-même sa véritable base, qui est l’amour de cette action.
On ne se soumet à aucun joug, ni celui de la nature (instincts), ni celui des lois morales ; on veut simplement accomplir ce que l’on se sent appelé à accomplir.
Le vrai but du vouloir humain, c’est la réalisation de buts moraux conçus par pure intuition.
L’homme se rapproche plus ou moins de ce but, selon la mesure dans laquelle il est apte à la pénétration intuitive des bases idéelles de l’univers
L’origine de l’action appartient à l’individualité.
Et, en vérité, seule l’action issue de l’intuition morale mérite le nom d’action individuelle.
Mais compter l’action mauvaise, le crime, au rang des actions individuelles, ce serait compter les instincts aveugles parmi les facteurs de l’individualité.
Or, l’instinct aveugle qui mène au crime ne ressort pas de l’intuition ; et il n’appartient pas à l’être individuel de l’homme, mais, au contraire, à ce que l’homme a de plus commun, à ce qui règne en tous les hommes, à ce dont l’individualité cherche justement à dégager l’homme de plus en plus.
Mon être individuel, ce n’est pas mon organisme avec ses tendances et ses affectivités, c’est le monde unitaire des idées qui s’éclaire au sein de cet organisme.
Mes désirs, mes instincts, mes passions, me font simplement appartenir à l’espèce humaine.
Au contraire, le fait qu’un élément idéel s’éclaire et se réalise au sein de ces désirs, instincts et passions, ce fait fonde ma propre individualité.
Par mes désirs et instincts, je suis seulement un homme comme il en est à la douzaine ; par la forme particulière d’idée qui me distingue au sein de la douzaine, je suis « individu ».
Les particularités de ma nature animale ne peuvent me différencier des autres que pour un regard étranger, tandis que par ma pensée, qui est la compréhension active et consciente de l’élément idéel présent en moi, je me distingue moi-même des autres.
Or, on ne peut aucunement dire de l’action du criminel qu’elle jaillit de l’idée.
Ce qui la caractérise, au contraire, c’est justement qu’elle ressort de l’élément extra-idéel du monde.
Toute action basée sur l’élément idéel de l’être est ressentie comme étant une action libre.
Celles qui se basent sur d’autres éléments, que ce soit le joug de la nature, ou une norme morale, sont ressenties comme des actions imposées.
L’homme est libre dans la mesure où il est capable de n’obéir qu’à lui-même, à chaque instant de sa vie.
Une action morale n’est mon action que si elle peut être nommée libre, dans le sens que nous venons de préciser.
Nous n’examinerons pour l’instant que les conditions dans lesquelles une action voulue est ressentie par l’homme comme étant libre ;
Nous verrons plus loin comment cette idée de la liberté, que nous concevons ici d’une manière purement éthique, se réalise dans l’être humain total.
L’action née de la liberté n’exclut pas les lois morales, elle les inclut au contraire ;
Elle se montre seulement supérieure aux actions qui sont simplement dictées par ces lois.
Pourquoi mon action servirait-elle moins bien le bonheur de tous, lorsque je l’accomplis par amour, que lorsque je l’accomplis seulement parce que j’ai reconnu le devoir de servir ce bonheur de tous ?
La conception du devoir pur élimine la liberté humaine, parce qu’elle se refuse à tenir compte de l’individuel et qu’elle soumet tous les hommes à une loi uniforme.
La liberté de l’action n’est concevable que du point de vue de l’individualisme éthique.
L’objet de perceptions « homme » a la faculté de se métamorphoser, comme la graine de la plante a la faculté de se développer en plante complète.
La plante se développera selon les lois objectives contenues en elle ; l’homme, par contre, demeurera dans son état imparfait s’il ne s’empare pas en lui-même de la matière à transformer, et ne la métamorphose par sa propre force.
La Nature fait seulement de l’homme une créature naturelle ; la société ne fait de lui qu’un exécuteur de ses lois ; lui seul peut se transformer en être libre.
À un certain degré d’évolution, la Nature le laisse échapper de ses chaînes ; la société mène cette évolution plus loin ; l’homme seul peut la parachever.
« Liberté ! Nom amical, nom humain, qui contiens en toi tout mon plaisir moral tout ce qu’honore le plus mon humanité, et ne me fais serviteur de personne, et ne m’imposes pas simplement un ordre, mais attends ce que mon amour moral reconnaîtra lui-même pour son ordre, parce qu’il se sentirait esclave en regard de toute loi imposée ».
Nous ne saurions admettre la formule d’après laquelle l’homme est mis au monde pour réaliser un certain ordre moral universel, conçu en dehors de lui.
Cette formule est du même ressort, en ce qui concerne la science de l’homme, que la formule ancienne des naturalistes qui disaient : le taureau a des cornes pour pouvoir se défendre.
La science moderne a heureusement fait justice deces croyances finalistes.
L’éthique a plus de mal à s’en débarrasser.
Et cependant, si le taureau n’a point de cornes pour se défendre, mais se défend grâce à ses cornes, de même l’homme n’est pas fait pour la moralité, mais la moralité apparaît grâce à l’homme.
L’homme libre agit moralement parce qu’il a une idée morale et non point pour que la moralité existe.
Les individus humains, avec leur faculté intuitive, sont les premières conditions de l’ordre moral universel.
La Nature n’enfante pas un être humain achevé et déjà libre, mais elle le laisse, au contraire, à un certain degré d’évolution de là, sans être libre encore, continuer à se développer jusqu’à ce qu’il arrive à se trouver lui-même.
Les choses ne peuvent être vouées à un but que si l’homme les fait telles, car c’est seulement la réalisation d’une idée qui peut leur donner ce caractère de finalité. Or, l’idée n’est active, au sens réaliste de ce mot, que dans l’homme.
C’est pourquoi la vie humaine n’a d’autre fin, d’autre détermination, que celles que l’homme lui donne.
Lorsqu’on demande quelle tâche l’homme doit-il accomplir ?
Le monisme répond : celle qu’il se propose à lui-même.
La mission que j’ai en ce monde n’est pas déterminée d’avance, elle est, à chaque instant, celle que je me choisis.
Je n’entre pas dans la vie avec un itinéraire tracé d’avance.
Lorsque des idées deviennent des buts, et se réalisent, ce ne peut être que par l’homme
L’individualisme éthique n’a rien à craindre de la science naturelle, à la condition que celle-ci se comprenne elle-même : l’observation nous présente, comme caractéristique de l’action humaine parfaite, la liberté.
Force nous est d’accorder ce caractère de liberté à la volonté humaine, dans la mesure où elle procède d’intuitions purement idéelles.
Car ces dernières ne sont point les effets d’une nécessité extérieure ; elles ne reposent que sur elles-mêmes.
Dès que l’homme voit en son action l’empreinte parfaite d’une telle intuition, il ressent la liberté de cette action c’est là le seul critérium de la liberté humaine
Une volonté qui est le reflet de l’intuition ne se réalise, également, que par un recul des activités nécessaires de l’organisme : cette volonté est libre.
Cet obscurcissement des activités organiques ; cet esclavage tend à la liberté, et cette liberté n’est aucunement un idéal abstrait, mais une force directrice présente à chaque instant dans la nature humaine.
Désirer une chose, s’efforcer vers elle, c’est une cause de joie.
Qui de nous ignore le bonheur que nous procure l’espérance d’atteindre un but lointain, fortement désiré ?
Cette joie est la compagne de tous les travaux dont les fruits ne seront à récolter que dans l’avenir.
Elle est tout à fait indépendante de la réalisation du but.
Lorsqu’il est atteint, la joie de l’accomplissement est un élément nouveau qui se sur ajoute à celui de l’effort
Le souvenir de toute la joie éprouvée au temps de l’espérance peut adoucir la peine finale de l’échec.
Quiconque, au moment où son espoir s’écroulait, a pu se dire : j’ai fait tout ce qui était en mon pouvoir, — sait combien cette observation est vraie.